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Fipronil : rien que pour nos œufs ?

Jeudi 29 novembre 2018
Les aliments sont traités et peuvent contenir des substances néfastes pour la santé. C’est le cas du fipronil, notamment présent dans les œufs et produits dérivés. Ce dossier permet de mieux comprendre sa composition et ses impacts sur l’alimentation et, plus généralement, sur la santé.
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Le fipronil est un insecticide de la famille des phenylpyrazoles, très répandu depuis sa mise sur en marché en 1993. Cette molécule est interdite dans le traitement des animaux destinés à la chaîne alimentaire.

Sa présence dans les œufs (ou produits dérivés) est donc une fraude manifeste. Pour autant, ce produit reste utilisé notamment dans les produits antiparasitaires vétérinaires pour traiter les chats et chiens.

Cette molécule était aussi la substance active du Regent® (traitement pesticides agricole par enrobage des semences). Cet usage a été interdit en 2013 par la Commission européenne (l'Autorité européenne de sécurité des aliments l'ayant considéré comme présentant "un risque aigu élevé" pour la survie des abeilles). Son mode d’action est copié sur celui de la nicotine (on parle de néonicotinoïdes). Ces néonicotinoïdes sont connues pour leur toxicité sur les pollinisateurs.

Faut-il pour autant s'inquiéter ?

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) rendait un rapport sur le sujet ce 11 août. Plutôt rassurant, il concluait que le risque sanitaire apparait "très faible". Mais, si les niveaux d'exposition via les œufs semblent particulièrement faibles dans l'alimentation, ils peuvent devenir nettement plus préoccupants dans certains produits vétérinaires.

Rien que pour nos œufs ?

La plupart des propriétaires de chats ou de chiens connaissent déjà les propriétés du fipronil : il est utilisé dans des pipettes anti-parasitaires pour nos animaux de compagnie. Selon les recommandations du fabricant, utilisé en spray il faut 75 mg pour traiter un animal de 10 kg. Comparés au quelques milligrammes qui nous inquiètent dans les œufs, voilà qui laisse songeur !

L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments) (Afssa) et l'Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale (AFSSE) avait déjà publié un rapport "Evaluation des risques pour la santé humaine liés à une exposition au fipronil" en 2005. Ce document pointait déjà le problème : "Pour les deux types d’exposition (médicaments vétérinaires et produits phytosanitaires et biocides à l’usage des particuliers), c’est pour l’enfant en bas âge que les marges de sécurité sont les plus faibles. Il est donc important d’alerter les utilisateurs sur le respect des précautions d’usage de ces produits au regard du risque éventuel pour les jeunes enfants."

Ce produit devrait être retiré des usages vétérinaires (des alternatives existent). Et que dire alors des usages de fipronil en produit anti poux pour enfants ! L'Anses avait là aussi émis un avis malheureusement peu relayé.

Concernant la contamination des œufs, et au regard des données disponibles, il parait donc qu'il ne s'agisse pas d'une réelle "crise sanitaire" mais plus d'une "crise de confiance" vis à vis des industries de l'agroalimentaires. Car il est fort à parier que ce scandale, largement relayé par les médias, participera à décrédibiliser un peu plus encore un secteur industriel déjà fortement éprouvé au cours des années passées.

En revanche, il s'agit d'une excellente illustration de la complexité des liens entre santé et environnement. Les médias - et au final l'opinion - s'inquiètent de l'exposition alimentaire non choisie (et illégale) à des traces d'une molécule par ailleurs parfaitement autorisée et largement accessible au public dans les traitements vétérinaires conduisant à des expositions régulières et non négligeables... mais considérées comme sans risque par le public !

Pour réduire son exposition au fipronil : mieux vaut donc s'intéresser aux traitements de nos animaux de compagnie que de ne plus consommer d'œufs !

Enfin, si la présence dans des œufs et produits dérivés témoigne d'abord d'une fraude inacceptable (les personnes à l'origine de cette affaire sont des criminels qu'il convient de juger), cette affaire et sa durée dans le temps mettent aussi en lumière le manque criant de moyens financiers et humains des structures de contrôles.

Combien faudra-t-il de scandales de ce genre pour que nous le comprenions enfin ?


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