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« La fierté d’être utile est au cœur de l’identité professionnelle des agents du ministère de la Justice »

Jeudi 05 novembre 2020

En septembre, la MMJ diffusait les résultats de son premier baromètre santé auprès des agents du ministère de la Justice, sur le thème : "La qualité de vie au travail" . Les résultats et enseignements qui en découlent sont mis en perspective dans 4 interviews d’experts Nous vous dévoilons en novembre cette série d'interview autour de 4 grandes thématiques, mettant en lumière l'analyse du baromètre santé par nos experts et leurs pistes pour améliorer la qualité de vie au travail.

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Cette semaine, Sabine Grégoire, psychologue du travail et coach professionnel, répond à nos questions sur la reconnaissance au travail, un thème qui ressort comme ligne directrice de notre enquête et souvent ressenti de façon ambivalente entre sentiment de fierté et d’utilité et sources d’insatisfactions. On fait le point.

Travail et reconnaissance : interview de Sabine Grégoire, psychologue du travail

Dans la 1re édition du baromètre sur la qualité de vie au travail des agents du ministère de la Justice, 69 % des sondés disent se sentir utiles. Que vous inspire ce résultat ? 

Ce chiffre ne me surprend pas dans la mesure où ces agents exercent une mission de service public essentielle. Affaires criminelles, services judiciaires, questions pénitentiaires, protection des mineurs, autant de sujets dont le socle repose sur l’utilité sociale et sociétale et qui, de fait, sont au cœur de la vie du citoyen. Ce résultat souligne que ces métiers font sens, sans doute parce que beaucoup de celles et ceux qui les exercent les ont choisis par vocation. Il en résulte une fierté légitime qui sous-tend leur identité professionnelle. Ce chiffre démontre qu’ici les questions de type « qui je suis ? » « qui je sers ? » et « à quoi je sers ? » ont trouvé une réponse et structurent l’engagement des agents du ministère de la Justice.

Il n’en reste pas moins que l’insatisfaction au travail demeure bien réelle. Quels en sont, selon vous, les principaux facteurs ?

Le premier c’est l’importance du stress au travail. Cela s’explique par une charge importante, des délais contraignants et, plus largement, des conditions de travail et des effectifs qui ne sont pas à la hauteur des espoirs. La perception d’un équilibre entre les exigences et les ressources est, à mes yeux, essentielle. Dans mes actions de prévention, je m’interroge sur une meilleure répartition de la charge de travail et incite chacun à se poser les bonnes questions à ce sujet.
Le deuxième facteur d’insatisfaction porte sur l’accompagnement au changement qui est encore imparfait en ce sens où les agents sont encore trop peu sensibilisés et accompagnés lorsque des modifications des conditions de travail – changement de logiciel ou déménagement des tribunaux par exemple – se déploient et ont un impact significatif sur leur quotidien professionnel et leur environnement de travail.
Le troisième facteur porte sur les violences internes, réelles ou symboliques, qui génèrent de fortes insatisfactions. Les frustrations et désillusions qui en résultent s’expliquent notamment par des cas de réelles carences managériales qui affectent les collectifs de travail, par les problèmes de communication qui existent entre les différents corps ou encore par un déficit de reconnaissance.
Les violences revêtent aussi un important volet externe puisque les juges, les greffiers, les personnels pénitentiaires et les agents dédiés à la protection judiciaire de la jeunesse sont régulièrement confrontés à des situations humaines très compliquées qui ont nécessairement des conséquences sur le plan psychologique. Or, force est de constater qu’ils manquent encore d’accompagnement et de sensibilisation en amont pour les aider à y faire face.
Enfin, dernier point, les attentes du citoyen, toujours plus exigeant et impatient, ont aussi une incidence sur la satisfaction au travail.


Quelles sont les mesures correctives qui pourraient être prises à court terme pour y remédier ?

Le point positif à souligner, c’est que le ministère de la Justice a conscience de ces problèmes. Pour ma part, je pense que pour réguler le stress, il faut rééquilibrer le couple exigences et ressources, ce qui implique notamment de former les managers et de les outiller. Comment ? Par la mise en place de coaching, en leur donnant les clés de l’écoute active ou en les aidant à mieux réguler leurs équipes par l’appropriation de protocole simples et efficaces.
De même, il faut mettre l’accent sur le collectif en sollicitant les avis des équipes, en créant des groupes de parole, en développant la transversalité entre pairs mais aussi entre corps de métiers, en mobilisant l’intelligence collective voire en développant l’évaluation collective. L’accompagnement n’est pas un vain mot ! Le stress au travail n’est pas une fatalité.


À plus long terme, quel plan d’actions attendez-vous de la puissance publique sur la question de la reconnaissance au travail ? 

Elle peut agir sur plusieurs leviers. Elle pourrait par exemple recréer du lien avec les citoyens en sensibilisant chacun, peut-être dès le plus jeune âge, aux réalités du quotidien tel qu’il est vécu par l’institution judiciaire. De même, les évaluations professionnelles pourraient être revues et porter non pas que sur l’individu mais également sur le collectif, afin de lisser les iniquités. Ce plan d’actions doit s’inscrire dans une dynamique de long terme. C’est un projet qui nécessite de la volonté, des moyens financiers et surtout des ressources humaines.


Pour aller plus loin

Consultez les résultats du baromètre santé sur la thèmatique de la reconnaissance au travail.

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