Magistrat : reportage à la CCSP avec Vincent Fougères
Magistrat depuis 2020 au sein de la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) - une juridiction administrative récente - Vincent, 39 ans, est un homme avenant, curieux et passionné par son métier. Il nous ouvre les portes de cette juridiction spécifique qui traite plus de 150 000 requêtes par an.
Que vous inspire le mot "juste" ?
Ce mot m’inspire avant tout un équilibre. En tant que juge, nous ne sommes pas toujours « justes », nous appliquons le droit. En effet, la justice nécessite avant tout le respect d’une procédure. Les gens peuvent avoir raison, mais n’en ont pas toujours la preuve. Le travail du magistrat est donc de trouver un équilibre entre les parties et de faire de la pédagogie pour que la justice soit comprise.
Comment votre parcours professionnel s'est-il construit ?
Pour ma part, c’est une vocation. Depuis mon entrée au collège, je voulais être juge. Mon grand-père était magistrat. Même si je ne l’ai pas beaucoup connu, j’ai toujours voulu exercer ce métier en prise directe avec la société.
Je suis entré à l’ENM en 2007 après des études de droit. J’ai d’abord été affecté au tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer dans des fonctions civilistes, puis ai été juge d’application des peines à Poitiers jusqu’en 2020. Depuis le 1er février 2020, je suis en détachement dans le corps des magistrats administratifs à la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) et je rejoindrai un tribunal administratif en septembre prochain.
Au sein de cette juridiction, quelle spécificité jugez-vous la plus marquante ?
C’est une juridiction où nous n’avons aucun dossier papier, tout est dématérialisé ! Les requêtes qui arrivent par voie postale sont numérisées dès leur arrivée. Elles peuvent aussi arriver directement par la voie du portail Internet de la juridiction. Le travail est intégralement dématérialisé jusqu’à la signature électronique du magistrat. Autre point intéressant, le travail en équipe. Après une procédure écrite, une équipe d’assistantes et d’assistants du contentieux prépare les projets motivés de décisions ou d’ordonnances.
Ils sont soumis à la révision du magistrat, puis rendus dans la quasi-totalité des cas hors audience. Dématérialisation et travail en équipe font de la CCSP une juridiction très innovante !
Comment décririez-vous l’utilité de votre métier ?
Nous contribuons à une paix sociale. Saisir un juge n’est jamais anodin, c’est le dernier recours pour obtenir satisfaction. Pour les victimes, c’est un moyen d’avancer et de tourner la page. Dans mon cas précis et à la CCSP, le stationnement payant est souvent associé à de petits montants, mais il arrive que des personnes soient dans des situations difficiles, voire désastreuses, avec plusieurs milliers d’euros de forfaits de post-stationnement dus par suite d’usurpations d’identité, de plaques d’immatriculation ou suite à des abonnements non pris en compte.
Quel cliché sur votre métier vous semble le plus injuste ?
L’idée selon laquelle les juges seraient coupés du monde et de la réalité : en tant que juge, nous sommes aussi et d’abord des citoyens, nous avons des liens amicaux et familiaux, nous habitons souvent le ressort des juridictions où nous exerçons — ce qui peut d’ailleurs créer des difficultés avec des personnes croisées lors d’audiences. Le métier de magistrat implique en outre de se confronter au réel pour s’intéresser à toutes sortes de situations, les analyser et les comprendre, avant de prendre une décision.
" En tant que juges, nous appliquons le droit "
Comment voyez-vous l'évolution de votre métier ?
Je pense que nos métiers de magistrats vont se rapprocher du fonctionnement de la CCSP pour ce qui est de la dématérialisation et du travail en équipe, qui est une véritable aide à la décision.
Dans les juridictions judiciaires, la collégialité est l’exception. Le juge travaille seul et c’est rare que les décisions soient préparées en groupe. Le travail plus collaboratif où le magistrat est entouré est précieux.