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Directeur de l'école Nationale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse : rencontre avec Frédéric Phaure

Vendredi 20 octobre 2023

C'est dans un site magnifiquement rénové, une ancienne filature témoignant des riches heures du textile roubaisien, que nous reçoit Frédéric Phaure, directeur de l'école nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ).

Un homme passionné et cultivé, intarissable sur une mission essentielle à la société et à son avenir : la protection des enfants et des adolescents vulnérables.

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Frédéric Phaure Directeur de l'école nationale de la protection d ela jeunesse

 

 

Quelle est la mission de l'école nationale de la protection judiciaire de la jeunesse ?


L’ENPJJ est l’une des quatre écoles du ministère de la Justice. Elle a pour vocation de former les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que différents acteurs de la protection de l’enfance susceptibles d’être au contact de mineurs vulnérables : enseignants de l’Éducation nationale, policiers et gendarmes, surveillants pénitentiaires ou encore travailleurs sociaux des départements…

Pour 2023, notre objectif est d’accueillir plus d’un quart de stagiaires ne relevant pas de la PJJ. Une ambition sous-tendue par une conviction : le parcours des enfants et adolescents protégés souffre d’un manque de continuité et de lisibilité. Un « nomadisme institutionnel » auquel il convient de répondre en décloisonnant les services et en faisant travailler les professionnels entre eux.

Quel est votre parcours professionnel ?


Je suis un pur produit de la protection judiciaire de la jeunesse ! J’ai commencé à 26 ans, sur le terrain, dans l’Oise, où j’ai été directeur d’un foyer pour adolescents. J’ai ensuite occupé différentes fonctions au sein de la direction centrale de la PJJ, à Paris : chef du bureau de l’action éducative, chef de cabinet du directeur de la protection judiciaire

J’ai rejoint l’ENPJJ, il y a 7 ans, d’abord en qualité de directeur de la formation, avant de diriger l’établissement. Cette institution offre de vraies opportunités pour qui souhaite avoir un parcours dynamique.

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Frédéric Phaure assis sur sa chaise de bureau

Comment décririez-vous votre attachement à votre métier ?

Plus qu’à un métier, c’est à la mission de la protection judiciaire de la jeunesse que je suis attaché. C’est une histoire belle et singulière, née de l’ambition de quelques hommes et quelques femmes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Avant cela, il y avait eu des prémices de réflexion, d’indignation par exemple autour du scandale des bagnes pour enfants, dans les années trente.

Ce qui resurgit d’ailleurs aujourd’hui dans l’actualité littéraire avec le roman de Sorj Chalandon*. Mais c’est véritablement en 1945 que le gouvernement décide de la création d’une institution spécialisée, dotée d’un droit spécialisé et de juges spécialisés pour enfants. C’est cette réflexion première sur ce que la société doit à ses enfants, y compris lorsqu’ils sont infracteurs, qui perdure toujours en 2023.

*L’enragé, de Sorj Chalandon

Que vous inspire le mot "juste"

Le fait que notre pays s’intéresse à ses enfants, se penche sur leur destin tel qu’il est et non tel qu’il devrait être pour leur faire faire véritablement un chemin, les protège avant de les sanctionner.

L’un n’empêche évidemment pas l’autre, mais il y a un ordre des choses à respecter ! Les mineurs infracteurs sont très largement victimes de mauvais traitements, négligences ou carences et c’est une justice de protection qui doit d’abord leur être rendue.

Le fait aussi que cette mission soit, pour une large partie, confiée à un ministère régalien, le ministère de la Justice, garant des droits et des libertés… Voilà selon moi le sens du mot « juste ».

À quels enjeux doit aujourd'hui répondre l'institution ?


Si rien ne permet d’affirmer que la délinquance juvénile explose, la nature des infractions, en revanche, évolue avec la société. Nous sommes ainsi particulièrement vigilants face aux atteintes aux personnes, à la violence gratuite, et travaillons par exemple sur la notion d’empathie. Mais l’un de nos défis majeurs demeure le grave défaut d’attractivité de nos métiers.

Nous menons un vrai combat pour attirer des jeunes vers nous, y compris en nous engageant sur des sujets sociétaux que nous pensons lier aux métiers que nous exerçons : le sens de l’engagement citoyen dans un contexte de crise de confiance dans les institutions, la protection de notre écosystème contre la crise climatique ou encore la vigilance face aux risques liés à l’hypernumérisation des relations humaines.

Quelles sont vos plus belles rencontres professionnelles ?


J’ai croisé de nombreuses figures tutélaires tout au long de mon parcours. Mais il y a deux images qui restent gravées dans mon esprit. Tout d’abord les premiers mômes que j’ai rencontrés, dans ce foyer de l’Oise. Un moment décisif, qui m’a fait aimer un métier certes âpre, mais qui vous élève au-dessus de vous-même quand vous parvenez à gagner la confiance de l’enfant.

Deuxième moment clé : le 70ᵉ anniversaire de l’ENPJJ, en 2022, à l’occasion duquel j’ai eu la chance de rencontrer Robert Badinter (voir encadré ci-dessous). Lorsqu’il était garde des Sceaux, il s’est beaucoup investi pour la protection de la jeunesse, notamment en insistant sur l’importance de la prévention de la délinquance ou encore sur la dignité des mineurs condamnés, incarcérés ou en milieu ouvert.

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Ecole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse

Les 70 ans de l'ENPJJ

L’École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse a fêté ses 70 ans en septembre 2022. À cette occasion, l’amphithéâtre de l’école a été baptisé du nom de Nicolas de Condorcet, précurseur en matière de droits de l’enfant. Le point de départ d’une belle rencontre entre Frédéric Phaure et Robert Badinter, biographe (avec son épouse) de Condorcet.

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