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Bien-Être

Charge mentale : comment lâcher prise ?

Mardi 14 janvier 2020

La charge mentale, c’est toutes les situations de la vie quotidienne que nous devons gérer et qui littéralement nous « prennent la tête ». Elle est particulièrement forte pour les femmes et bien sûr pour les mères, que les enfants soient petits ou pas. Si on en parle de plus en plus, c’est parce qu’elle    peut avoir des conséquences néfastes sur le couple, la famille et la santé. Anne-Laure Buffet, psychothérapeute *, nous aide à faire le point.

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charge mentale à la maison

La charge mentale est-elle de plus en plus importante ?

Je vois de plus en plus de personnes qui sont confrontées à une difficulté de vie parce qu’elles s’en demandent trop. Je pense qu’il y a une double conjonction : d’une part, l’évolution de la société avec l’affluence des biens de consommation a libéré les femmes de certaines tâches mais elle les a aliénées en les submergeant sous une avalanche de propositions. Aujourd’hui, on veut le meilleur pour son enfant, le produit le plus performant, le plus nouveau, on veut toujours mieux faire, plus. Cela a entraîné une volonté de contrôle qui va jusqu’à la manière dont les enfants se comportent. Dans le même temps, les injonctions faites aux femmes par la société et les médias n’ont jamais été aussi importantes et font reposer sur elles une pression infernale.

C’est-à-dire ?

Il faut être une bonne mère, une bonne épouse, une bonne amante, une bonne fille, une bonne professionnelle. Il faut être jolie, bien habillée, bien coiffée. Vous devez travailler mais aussi avoir des enfants, sinon vous avez raté votre vie. Il faut assurer en réunion mais répondre à l’appel de la crèche si votre enfant a de la fièvre. Il faut aussi faire du sport, avoir des activités intellectuelles valorisantes… La charge mentale que cela entraîne peut mener à un épuisement physique, psychologique, à la dépression et à la mort du couple.

Il faut apprendre à lâcher ?

Oui, même si je n’aime pas cette expression. Mais surtout, quand on est en couple, il faut apprendre à déléguer et à faire confiance à son conjoint. Nous vivons encore dans un ancrage archaïque dans lequel le domaine de la femme est l’intérieur de la maison et celui de l’homme l’extérieur. La tentation est grande pour les femmes de vouloir faire toutes les tâches domestiques en se disant que l’autre ne fera pas ou fera mal.

Le mieux est donc l’ennemi du bien…

Oui, cette recherche de perfection met une pression incroyable sur la femme mais également sur son entourage et en particulier sur les enfants. Il faut prendre le temps de les laisser dormir, jouer plutôt que de toujours être dans l’urgence parce qu’on veut trop en faire. L’inverse de la charge mentale ce n’est pas le laxisme, c’est accepter ce fameux lâcher-prise. Mon enfant n’a pas rangé sa chambre ce soir, ce n’est pas grave, ce n’est pas mortel. Votre compagnon a habillé votre fille ce matin et il lui a mis un pull vert avec un pantalon rose… Ok, ce n’est pas forcément joli, mais est-ce que pour autant il a mis votre enfant en danger ? Il faut accepter que le père ne soit pas aussi perfectionniste. J’ai eu il y a quelques années une patiente qui rangeait les vêtements de ses enfants non par catégories (pull, pantalons…) mais par « tenues » déjà prêtes à porter. Le problème avec cet état d’esprit est que lorsqu’il il y a le moindre grain de sable, c’est une catastrophe, un effondrement. Il y a aussi une très grande immaturité à vouloir être parfait à tout prix.


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Comment changer ?

Il faut déjà prendre conscience de la situation. Par exemple, il faut se poser des questions dès qu’une fatigue importante apparaît en dehors de toute cause physiologique et que l’on n’arrive pas à la faire passer. Il faut s’asseoir et prendre le temps de s’interroger sur ce qui se passe dans la vie : « Qu’est-ce qui m’empêche aujourd’hui d’avancer et d’avoir de l’entrain ? » Quand on est en couple, il faut faire les choses à deux. Il faut de la coopération, de l’équité. Si je n’y arrive pas, j’en parle. Et si quand j’en parle je ne suis pas entendue c’est qu’il y a un problème. Il faut retrouver un équilibre, faire moins. Cela ne veut pas dire arrêter de faire, mais répartir le temps différemment. A quoi faut-il que je renonce ? Est-ce que je peux tolérer dans mon salon une chaussette et un journal qui traînent ? Est-ce que je peux accepter le fait que tout ne soit pas parfait ? Quand on ne peut pas, cela veut dire qu’il y a une pathologie.

Il faut aussi apprendre à dire non…

Bien sûr. Quel est le risque à dire non ? Et pourtant beaucoup de femmes ne savent pas le dire. J’aime beaucoup cette réplique extrait de la série Fais pas ci, fais pas ça. Le mari dit à sa femme : « Il y a du dessert ?»  Réponse de la femme : « Ah bon, tu as fait une tarte ?»  «Ben non…», «Alors il n’y a pas de dessert». Un repas sans dessert, est-ce vraiment grave ?


Anne-Laure Buffet est thérapeute, présidente de l’association contre les violences psychologiques. https://cvpcontrelaviolencepsychologique.com/anne-laure-buffet-presidente-de-lassociation-cvp

 

Anne-Marie Thomazeau pour Viva Magazine

 


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